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Parcours d’anciens : Teddy

  • Photo du rédacteur: Gaëtan Fourez
    Gaëtan Fourez
  • il y a 5 jours
  • 15 min de lecture

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Il y a des anciens de Don Bosco Blandain qui restent dans nos mémoires pour leur personnalité, leur énergie ou leur parcours. Et puis il y a ceux qui, des années plus tard, nous surprennent encore. Teddy fait partie de ceux-là.

Arrivé tout jeune à l’internat, il y a passé neuf années. De 2004 à 2013. Ces années qui l’ont accompagné dans sa construction, dans ses choix et dans sa manière de voir le monde. Ceux qui l’ont connu se souviennent d’un garçon discret, souvent souriant, passionné de sport et déjà attiré par l’effort, le dépassement, l’extérieur. On le retrouvait à l’étude, aux activités, aux sorties du mercredi (et à ses fameuses frites), ou encore sur les chemins autour de la maison, lorsqu’il obtenait l’autorisation d’aller courir au milieu des champs.

Neuf ans plus tard, Teddy a quitté Blandain avec une dynamique solide, une vraie soif d’apprendre et une capacité à se fixer des objectifs ambitieux. Et lorsqu’en 2024, en parcourant les réseaux sociaux, nous découvrons qu’il vient… de traverser l’Europe à pied, sur près de 5000 kilomètres, au cœur des Balkans, des Alpes et des massifs les plus sauvages du continent… il nous paraissait impossible de ne pas lui écrire.

C’est donc ce que nous avons fait. Un simple message, pour lui dire que son aventure nous inspirait. Et il a accepté, avec beaucoup de gentillesse, de répondre à nos questions. Son récit, passionnant et authentique, parle autant de montagne que d’humanité. Il raconte des paysages, des rencontres inattendues, des moments de doute, des ours, des chiens errants, les joies simples du trek, et surtout ce qu’une telle aventure révèle sur les autres… et sur soi-même.

Voici l’interview de Teddy, ancien de Don Bosco Blandain, qui a traversé l’Europe à pied pendant plus de six mois. Une aventure hors norme, racontée avec sincérité.


D’où t’est venue cette idée un peu folle de traverser l’Europe à pied ? Qu’est-ce qui t’a fait dire : « cette fois, j’y vais vraiment » ? Tu as commencé ton périple en Bulgarie ? Pourquoi ce pays-là précisément ? Tu avais une préparation physique ou tu t’es lancé un peu à l’improviste ?

J’ai vraiment découvert la randonnée en 2021, quand je suis parti faire le GR54 dans les massifs de l’Oisans et des Écrins avec mon petit frère Alexandre, que vous connaissez bien puisqu'il était également à l'internat. De randonnée en randonnée, j’y ai pris goût : les sensations, les émotions, l’effort, les rencontres… Ça me donnait du sens, une autre manière de voyager.

En 2023, je me suis lancé dans ma plus grande expérience jusque-là : la traversée des Pyrénées par le GR10. Plus de 900 km et 55 000 mètres de dénivelé positif, l’équivalent de l’Everest grimpé six fois depuis la mer. J’ai réussi à la faire en 28 jours, alors que la plupart mettent entre 45 et 60 jours. Après ça, j’ai senti que j’avais envie d’aller encore plus loin.

Entre septembre 2022 et septembre 2024, j’ai repris mes études pour obtenir un master 2. Avec l’alternance, j’avais très peu de temps pour préparer ce qui viendrait après. Pourtant, l’idée d’un grand projet me trottait dans la tête. Au début, je voulais traverser les États-Unis du Sud au Nord. Mais entre les visas, les règles strictes dans les parcs nationaux et même des contraintes comme les boîtes anti-ours pour éviter d’attirer les grizzlys… c’était un projet énorme à mettre en place.

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J’ai donc décidé de rester en Europe, non pas par facilité, mais par envie. Ce n’est pas un voyage « secondaire » : les montagnes européennes sont magnifiques, variées, parfois très sauvages, et pleines de défis. Après ma réussite du GR10, je voulais marcher plusieurs mois d’affilée, vivre quelque chose qu’on ne peut pas ressentir sur un trek d’un mois.

Je connaissais déjà la Via Alpina, qui traverse huit pays, et j’ai découvert en cherchant la Via Dinarica, qui va de l’Albanie à la Slovénie. Et puis je suis tombé sur le Kom–Emine, en Bulgarie : le plus long chemin du pays, qui relie la mer Noire au Kom Peak. Ça m’a attiré tout de suite : un vrai point de départ fort, symbolique et engageant.

J’ai estimé que mon parcours ferait environ 5 000 km, pour 6 à 8 mois de marche.

Pour la préparation, je savais qu’en partant en plein hiver, je n’avais pas le droit à l’erreur. J’ai donc beaucoup réfléchi à mon matériel et j’ai fait un test en montagne. Sur le Kom–Emine, les crêtes sont une barrière naturelle aux vents du nord : il peut y faire extrêmement froid, et il faut du matériel capable de couvrir une très large plage de températures.

Mais malgré ça, j’ai volontairement gardé une part d’incertitude : je n’aime pas les aventures trop planifiées. Je ne savais pas exactement où je dormirais ou comment je me ravitaillerais. Je voulais me laisser porter.

Physiquement, j’avais un bon bagage grâce au trail que je pratique en compétition depuis 2020. J’ai dû adapter ma préparation à ma rééducation après une opération du fémur en juin 2024, mais j’ai progressivement repris la marche et la course. En novembre 2024, j’ai même gravi mon premier 4000 mètres dans les Alpes. Et parmi mes expériences qui m’ont forgé, il y a aussi la Diagonale des Fous, que j’ai courue en 2022.


Dis-moi aussi ce que Don Bosco Blandain représente pour toi. Qu'est-ce que ça t'a apporté, des souvenirs ou des anecdotes Don Bosco

Don Bosco Blandain a vraiment compté dans mon parcours. L’internat m’a beaucoup apporté humainement et socialement. Les journées structurées, les moments d’étude, les pauses, les règles… Sur le moment, on ne s’en rend pas toujours compte quand on est jeune, mais avec le recul, cette discipline m’a aidé à construire une vraie méthode de travail et une certaine rigueur.

Après mon départ en 2013, je suis fier d’avoir réussi à garder cette dynamique pour poursuivre mes études, obtenir mes diplômes et choisir la voie qui me correspond. Ce n’est pas toujours facile pour les jeunes de maintenir un tel rythme après l’internat, et je mesure la chance d’avoir bénéficié de cet accompagnement.

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En neuf ans, les souvenirs se bousculent. Je pense aux activités du mercredi et à ce fameux repas que tout le monde attendait avec les frites et la glace en dessert. La sortie de fin d’année à la piscine du Mont de l'Enclus. Et puis il y a un souvenir beaucoup plus fort : une sortie au parc Astérix, lors de ma première ou deuxième année. Elle m’a marqué comme si c’était hier car je n'avais jamais été dans un parc d'attraction auparavant.

Une anecdote me revient souvent : le jour où on m’a enfin autorisé à aller courir seul autour de l’internat pour m’entraîner. C’était juste après que mon grand frère Olivier m’avait emmené sur ses footings. Ça peut paraître anodin, mais pour moi, c’était un vrai symbole de confiance et un moment clé qui a probablement nourri, sans que je le sache encore, mon goût pour les efforts longs et la montagne.


5000 km à pied, c’est colossal ! À quoi ressemblait une journée type sur la route ?

En réalité, une journée type… ça n’existe pas vraiment. Et c’est justement ce que j’aime dans ce genre d’aventure : aucune routine, aucune journée qui ressemble à la précédente.

Comme je vis dehors 90 % du temps, tout dépend des conditions : le lever du soleil, ma forme du jour, l’endroit où je peux me ravitailler, la météo, les rencontres, ou juste l’envie du moment. Parfois, j’avais un objectif précis comme atteindre un village, récupérer un colis, trouver un magasin avant la fermeture. D’autres fois, je marchais simplement jusqu’à ce que je trouve un lieu qui me plaisait pour poser ma tente.

En hiver, c’était encore plus variable. Ma plus petite journée a été d’à peine… 1 km. Le mauvais temps m’obligeait à chercher un meilleur abri et à ne pas insister. À l’inverse, ma journée la plus longue a atteint 50 km. Tout dépendait des conditions, du terrain, et de l’énergie que j’avais.

Ce que je retiens, c’est cette liberté totale, avancer selon mes sensations, mes besoins, ou même mon intuition. Cela faisait partie de la beauté du voyage.


Tu avais un itinéraire précis où tu laissais un peu le hasard te guider ?

J’avais une idée générale de l’itinéraire et des pays que je voulais traverser, mais rien n’était vraiment figé. Mon fil conducteur, ce sont trois grands chemins : le Kom-Emine en Bulgarie, la Via Dinarica dans les Balkans et enfin la Via Alpina à travers les Alpes.

Entre ces grandes sections, je me laissais une grande liberté. Je regardais ce qui se trouvait autour de moi, les points d’intérêt, les vallées, les zones de montagne qui me donnaient envie de passer. C’était un mélange de logique, de sensations du moment et d’improvisation.

Il y a eu aussi des décisions complètement spontanées. Au mois de mai, par exemple, après trois jours dans un logement à Ljubljana, j’ai finalement décidé de partir explorer la Slovénie pendant trois semaines. Cela m’a permis d’attendre que la neige fonde suffisamment pour commencer la Via Alpina dans de bonnes conditions. Rien de tout cela n’était prévu, mais ce détour est devenu l’un des plus beaux moments de mon voyage.

En résumé, j’avais une ligne directrice, mais je laissais une grande place au hasard, ou plutôt à l’intuition.


Quel pays t’a le plus surpris, dans le bon ou dans le mauvais sens ?

En commençant mon voyage par les pays de l’Est, j’ai senti beaucoup de craintes autour de moi. Certains proches imaginaient ces régions comme dangereuses ou peu accueillantes. J’ai préféré me faire ma propre idée sur place, sans préjugés. Et heureusement, car j’y ai vécu de très belles surprises.

Le pays où j’ai eu le plus de mal à me sentir bien est la Macédoine du Nord. J’y ai vu énormément de déchets, un manque évident de structures pour les traiter et aussi beaucoup de chiens errants. Un jour, je me suis retrouvé face à une dizaine de chiens assez agressifs qui se sont mis à m’encercler en aboyant. J’ai dû reculer lentement sans leur tourner le dos. Ce moment m’a vraiment marqué.

À l’inverse, la Bosnie-Herzégovine m’a laissé un souvenir incroyable. Les habitants y sont chaleureux, les routes de montagne sont magnifiques même si elles ne sont pas asphaltées, et les paysages sont souvent à couper le souffle. Je pense notamment à un canyon où l’eau avait une couleur bleue incroyable, presque irréelle. La Slovénie m’a aussi beaucoup impressionné. C’est un petit pays, mais la diversité de ses paysages est immense. On y trouve des lacs, des parcs naturels, des canyons, des grottes et même des châteaux.

Dans l’ensemble, les pays des Balkans ont été une vraie révélation pour moi.


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Tu m'as dit avoir rencontré des ours sauvages... raconte-nous ça ! 

J’ai effectivement eu la chance de voir deux ours sauvages d’assez près, et ce sont des moments que je n’oublierai jamais.

La première rencontre a eu lieu dans le parc national du Mavrovo. Je descendais une pente de neige très raide en glissant sur les fesses pour aller plus vite. C’est à ce moment-là qu’un jeune ours a traversé juste devant moi, perpendiculairement à ma trajectoire. Tout s’est déroulé en quelques secondes, mais la scène était magique. Voir un animal dans son milieu naturel, aussi libre, aussi silencieux, c’est une sensation très particulière.

La deuxième rencontre a été plus impressionnante. J’étais en Croatie, près de la frontière slovène, sur une piste 4x4 qui traversait la forêt. J’ai entendu des craquements de branches, mais je pensais à n’importe quel animal sauf un ours. En levant la tête, je me suis retrouvé nez à nez avec lui, à une centaine de mètres. Lui m’avait repéré bien avant que je ne le voie. Il était environ 19 heures, donc je savais que c’était le moment où les animaux commencent réellement à sortir. J’aime les ours, mais je n’avais pas envie de le croiser à nouveau pendant la nuit. J’ai donc décidé de marcher deux heures de plus pour m’éloigner de son territoire avant de poser ma tente.

Ces deux moments restent parmi les plus forts de tout mon voyage.


Nous avons discuté de la météo compliquée, de chiens errants, de galères avec ta carte bancaire mais quelle a été la pire journée de ton voyage ? 

La météo a souvent été un défi. En montagne, et surtout en hiver, tout peut changer en quelques minutes. Pendant environ un mois, je voyais très peu le soleil. Je devais organiser mes journées en fonction de la visibilité, car aller en altitude dans le brouillard n’a aucun sens et comporte trop de risques.

Une journée en particulier me revient. J’étais en Bulgarie, au milieu du pays, et je suis parti le matin dans une brume glaciale, avec environ moins dix degrés et beaucoup d’humidité. J’avançais lentement en raquettes. L’humidité traversait mes vêtements et dès que je m’arrêtais, le froid me gagnait immédiatement. Vers midi, j’ai atteint un refuge en réparation. Il n’y avait pas de chauffage. J’ai allumé mon réchaud pour me faire à manger, mais je n’arrivais pas à me réchauffer. Je savais que repartir dans cet état, dans ce temps-là, était une mauvaise idée. J’ai demandé à rester pour la nuit et ils m’ont installé dans un lit avec une pile de couvertures. Il m’a fallu du temps pour retrouver un peu de chaleur.

Cette journée-là m’a vraiment rappelé que je devrais composer avec les éléments et que certaines journées seraient plus dures que d’autres.

Je pourrais aussi mentionner les soucis que j’ai eus avec ma carte bancaire en effet, qui ont duré plusieurs semaines entre le Kosovo et la Croatie. Au début, je pensais que le problème venait des banques locales, car je ne pouvais retirer nulle part. Au Monténégro, j’ai fini par appeler ma banque, qui m’a appris que ma carte était devenue muette. Heureusement, je pouvais encore payer avec Apple Pay. Je me suis arrangé en faisant un Western Union avant d’entrer en Bosnie. Mais juste avant la Croatie, Apple Pay a cessé de fonctionner aussi. Il ne me restait qu’une centaine d’euros en poche. Ma mère m’a aidé à me faire envoyer une nouvelle carte dans une petite ville croate. Je me souviens très bien de la date, car j’ai dû attendre que la poste rouvre le lendemain du 1er mai.

Ces galères ont parfois été fatigantes, mais elles ont fait partie de l’aventure.


Et à l’inverse, la plus belle, celle que tu n’oublieras jamais ? 

Sans hésiter, je pense à ma rencontre avec l’ours en Croatie, parce que cette journée avait tout pour être parfaite. Le matin, j’ai marché jusqu’à la route pour faire du stop et descendre en ville afin d’aller au magasin. Sur le retour, la personne qui m’avait conduit m’a proposé de boire un verre avec lui. C’était simple, spontané et très chaleureux.

L’après-midi a été ensoleillée, le paysage magnifique, et j’étais dans une forme incroyable. Puis il y a eu ce moment inattendu dans la forêt, lorsque j’ai entendu des craquements et que je me suis retrouvé face à l’ours. C’était à la fois impressionnant et magnifique. Je savais qu’il m’avait repéré bien avant que je ne le voie. Ce face-à-face, bref mais intense, m’a marqué comme peu d’autres choses.

La journée s’est terminée par un coucher de soleil superbe sur les forêts croates. Aucun problème, aucune galère, seulement du beau, du vrai, du simple. Tout ce qui fait que ce voyage restera gravé dans ma mémoire.

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Tu as traversé des régions très différentes : est-ce que tu as ressenti une différence d’accueil entre les pays ?

Oui, clairement. La différence la plus marquante se situe entre les pays de l’Union européenne et ceux qui n’en font pas partie. Aux frontières des pays de l’UE qui touchent les Balkans, j’ai senti beaucoup plus de tensions et de contrôles réguliers. C’était parfois un peu stressant.

Dans les pays des Balkans eux-mêmes, l’accueil a été incroyable. Les gens ouvrent très facilement leur porte et proposent spontanément de l’aide. J’ai souvent été pris en stop pour être déposé en ville ou ramené sur un col, on m’a offert de la nourriture, on m’a proposé des repas, et un jour même un restaurant m’a été offert parce que je n’avais pas de cash et que la carte n’était pas acceptée. Je n’ai rencontré que des personnes bienveillantes.

Une différence m’a frappé en rentrant en France. Les Français ont tendance à râler beaucoup plus, et je l’ai ressenti très vite. Cela m’a même fait sourire, parce que je n’avais plus l’habitude après plusieurs mois passés dans des pays où les gens sont plutôt calmes et accueillants.

De manière générale, les rencontres ont été extrêmement positives partout.


Comment tu t’organisais pour dormir, manger, recharger ton téléphone, etc. ?

Mon organisation était finalement assez simple, parce que je suis quelqu’un qui ne prépare pas grand-chose à l’avance. Voyager en Europe facilite beaucoup de choses. Pour dormir, j’avais ma tente, donc il me suffisait de marcher pendant la journée et de m’arrêter à un endroit qui me semblait propice pour passer la nuit.

Pour manger, je faisais des ravitaillements chaque fois que je croisais un magasin. J’achetais ce qu’il me fallait pour le nombre de jours nécessaires avant le prochain village. J’avais un réchaud pour cuisiner et de quoi tenir en autonomie quand il n’y avait rien autour. Pour l’eau, qui est le point le plus délicat, je ne pouvais jamais en transporter trop. Un litre pèse un kilo, et c’est impossible de porter plusieurs jours d’eau d’avance. Je me servais donc de mon GPS satellite pour repérer les points où je pouvais me réapprovisionner, que ce soit une source, un robinet ou une rivière. Et j’avais un filtre au cas où l’eau ne semblait pas potable.

Pour recharger mes appareils, j’avais deux batteries externes, ce qui me rendait autonome pendant environ trois semaines. Tous les vingt jours environ, je réservais un logement pour pouvoir me laver, manger correctement et surtout recharger mes batteries. En Suisse, j’ai aussi souvent dormi dans des églises, car elles restaient ouvertes la nuit. Cela me permettait de m’abriter et d’utiliser une prise pour recharger mon téléphone.

Ce mode de vie demandait des ajustements permanents, mais il me convenait parfaitement.


Qu’est-ce que tu dirais à un jeune de Don Bosco Blandain qui aurait un rêve un peu fou comme le tien ?

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Si je devais parler à un jeune de Don Bosco Blandain qui a un projet un peu fou, je lui dirais d’abord de bien se préparer en fonction de ce qu’il veut faire. Chaque aventure a ses exigences, ses dangers et ses particularités, et il faut les connaître pour ne pas se mettre inutilement en danger.

Je lui dirais aussi de ne pas écouter ceux qui essaieront de le décourager, de lui faire peur ou de lui dire que c’est impossible. Beaucoup de personnes ne croyaient pas en mon projet. Pour certains, j’étais inconscient. Leurs réactions reflétaient surtout leurs propres inquiétudes, pas la réalité de ce que j’étais capable de faire.

En revanche, je pense qu’il est important d’écouter les éducateurs de l’internat. Quand on est adolescent, leurs conseils peuvent paraître répétitifs, parfois même ennuyeux ou exigeants. Mais avec le recul, on comprend que tout ce qu’ils nous disaient avait du sens. Ils n’étaient pas là pour nous embêter mais bien pour nous guider, pour nous aider à avancer et à trouver notre voie. Beaucoup de choses que j’applique aujourd’hui viennent en réalité de ce que j’ai appris à Blandain.

Savoir ce qu’on peut faire, ce qu’on ne peut pas encore faire, et ce qu’on peut apprendre est important. Par exemple, en partant en montagne en plein hiver, je savais que j’allais affronter des températures qui pouvaient descendre en dessous de moins vingt degrés. J’ai donc étudié mon matériel, je l’ai testé, et je suis parti uniquement quand j’ai été certain qu’il me protégerait. Ma sécurité était la priorité, car ma vie pouvait en dépendre.

On peut prendre des risques, mais ce doivent être des risques mesurés. Même en étant prudent, une avalanche aurait pu m’emporter, et j’en étais conscient dès le début. C’est pour cela que j’ai tout fait pour réduire au maximum cette possibilité.

Je lui dirais donc qu’un rêve un peu fou n’est pas fait pour être abandonné. Il est fait pour être préparé avec sérieux, vécu avec passion et réalisé avec intelligence. Avec de l’envie et un vrai sens des responsabilités, beaucoup de choses deviennent possibles.


Comment s’est passée la fin de ton périple à Monaco ?

Mon arrivée à Monaco s’est faite sous le signe du soulagement. Je savais que, dès ce moment-là, j’allais enfin pouvoir remanger correctement, dormir dans de vrais lits, avoir des douches régulières et retrouver un certain confort que je n’avais plus connu depuis six mois. En moyenne, je prenais une douche tous les vingt jours, donc ce simple détail avait presque quelque chose d’extraordinaire pour moi.

Quand je suis arrivé, je me suis assis pendant une bonne heure, juste pour souffler et réaliser ce que je venais d’accomplir. Mais je n’ai pas ressenti une grande émotion comme certains pourraient l’imaginer. J’étais surtout très fatigué, et l’ambiance de Monaco ne me correspondait pas du tout. C’est un endroit très fréquenté, très superficiel dans son apparence, et totalement à l’opposé de ce que représentait mon voyage. Je ne me sentais pas à ma place au milieu des touristes et du décor très luxueux, donc je n’ai pas voulu m’attarder.

Après être sorti de Monaco, je suis allé jusqu’à Menton, où j’ai enfin pu me poser. L’arrivée n’a pas été spectaculaire, mais elle marquait la fin d’un projet immense. Une fois installée dans ma tête, cette idée de fin m’a surtout apporté une grande sérénité.


Est-ce qu’il y a un vide après un tel projet ?

Oui, forcément, il y en a un. Quand on marche pendant plusieurs mois, que chaque journée est rythmée par un but précis et que toute la vie se résume au mouvement, au climat, à la recherche d’eau et de nourriture, tout s’arrête d’un coup. On passe d’un mode de vie très intense à une sorte de silence intérieur. Le corps a besoin de souffler, mais l’esprit, lui, cherche un peu ses repères.

Pour éviter de tourner en rond, j’ai très vite repris un rythme. Je suis allé rendre visite à beaucoup de personnes que je n’avais pas vues depuis longtemps, juste pour ne pas rester seul chez moi à ne rien faire. Le mois et demi avant ma reprise du travail est passé assez vite grâce à cela.

En reprenant une vie normale à Grenoble, entouré des montagnes, j’ai retrouvé une forme de stabilité. Ce que je ressentais ressemblait plus à une transition qu’à un vrai manque. J’avais besoin de couper, de laisser retomber la tension des derniers mois et de me réhabituer à un quotidien sans marche. Le dernier jour de mon périple, quand j’ai vu Monaco depuis le sommet final, j’ai surtout ressenti de la satisfaction et un immense soulagement. J’étais heureux de finir quelque chose que je savais très incertain au départ. Mes chances de réussite n’étaient, selon moi, que de cinquante pour cent.

Le vide existe, oui, mais il est naturel, et il fait aussi partie de l’aventure.


Est-ce que tu accepterais de partager quelques photos et raconter ton voyage aux jeunes de Blandain ?

Oui, bien sûr que j’accepterais. Ce serait même un plaisir de partager mes photos avec les jeunes de Blandain. J’en ai accumulé énormément, des paysages, des moments difficiles, des rencontres, des passages inattendus et des instants complètement magiques. Je suis encore en train de trier tout ça, parce que j’ai plus de deux cents gigas d’images et de vidéos, mais je vous en enverrai prochainement avec quelques anecdotes pour accompagner chaque photo.

Je serais aussi heureux de venir parler de mon expérience aux jeunes. Si mon parcours peut inspirer ne serait-ce qu’une personne, alors cela en vaut vraiment la peine. Je voudrais leur dire qu’il faut croire en leurs rêves, même quand ils semblent trop grands ou trop lointains. Rien n’est simple, et les difficultés font partie du chemin, mais on peut décider de les utiliser comme une force supplémentaire pour avancer. C’est souvent dans les moments compliqués qu’on découvre ce qu’on a vraiment en nous.

 
 
 

1 commentaire


odilelucas59
il y a 5 jours

❤️❤️❤️

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